Supprimer la publicité pour les produits alcoolisés

L’alcool est le psychotrope le plus consommé dans l’ensemble de l’Union européenne et, contrairement à d’autres produits psychoactifs (tabac, cannabis, ecstasy…), c’est aujourd’hui le seul psychotrope pour lequel il est encore autorisé de faire de la publicité ; il n’est pourtant pas dépourvu de conséquences sur la santé, bien au contraire. De nombreuses études prouvent l’effet très important de la publicité sur la consommation d’alcool.

Or, la publicité pour les boissons alcoolisées est omniprésente, en particulier en Belgique, et les alcooliers ne cessent de développer des pratiques commerciales douteuses dans le but de favoriser les surconsommations et de toucher de nouveaux publics, dont celui des plus jeunes. Il est donc temps que les pouvoirs publics prennent des mesures plus égalitaires afin de mieux protéger les consommateurs, y compris les plus jeunes, et lèvent le paradoxe qu’ils entretiennent entre protection des consommateurs et incitation à la surconsommation par une règlementation trop permissive pour les grands producteurs de boissons alcoolisées.

Le Groupe porteur « Jeunes, alcool & société » demande l’interdiction de la publicité pour l’alcool, à l’instar des autres psychotropes pour lesquels elle a déjà été interdite. En effet, l’Etat, dans le cadre d’une politique « drogues » cohérente, doit permettre aux consommateurs de faire des choix libres et éclairés, dénués de toute influence publicitaire et commerciale.


Clarifier et simplifier la loi

La loi permet de poser un cadre, des limites et, dans le cas de la consommation d’alcool, de protéger les mineurs. Cependant, la législation en vigueur, qui distingue boissons fermentées et boissons spiritueuses, n’est pas encore assez claire, malgré les dernières modifications de décembre 2009. Le terme « spiritueux » est difficilement compréhensible, peu connu du public et aucune information n’est disponible sur les contenants pour rendre compte de cette distinction. En outre, la loi reste peu appliquée (plus de 80% des commerces vendent encore des boissons spiritueuses à des mineurs d’âge alors que la loi le leur interdit) et témoigne de la difficulté à l’intégrer. Le Groupe porteur souhaite l’adoption d’une loi claire pour tous, facilitant ainsi le travail préventif et éducatif des acteurs de terrain. Une loi doit être compréhensible et appliquée pour qu’elle soit efficace.
Dès lors, si le législateur veut garder une distinction entre cer- tains types de boissons alcoolisées selon les âges (16-18 ans), il est préférable selon nous de se baser sur le taux d’alcool puisque l’information est accessible sur les bouteilles et donc disponible à tous. Nous proposons ainsi cette clarification :

  • En-dessous de 16 ans : aucune boisson alcoolisée
  • A partir de 16 ans : toute boisson alcoolisée dont le taux d’alcool ne dépasse pas 16°
  • Au-dessus de 18 ans : toute boisson alcoolisée

Cette proposition a le mérite de simplifier la distinction actuelle, bien trop complexe, tout en étant plus proche de la réalité de terrain (interdire tout en dessous de 18 ans serait plus simple mais utopique puisque l’on sait que la plupart des mineurs consomment, que l’âge moyen de la première consommation est de 13 ans et qu’une législation plus stricte nécessiterait des moyens considérables pour la faire appliquer correctement).


Renforcer structurellement l’éducation, la prévention et la réduction des risques

L’évolution des préoccupations politiques témoigne d’une belle avancée en la matière mais cela reste insuffisant. Il est urgent de tendre vers une politique de drogues plus globale, afin de développer des actions et des législations qui font sens, sans démultiplier les énergies et pour atteindre des objectifs communs.

Parmi les moyens d’action, la promotion de la santé doit être réellement considérée comme prioritaire, et à soutenir à long terme. Or, en matière de drogues, les dépenses publiques octroyées au secteur « prévention » et « réduction des risques » paraissent encore quasi insignifiantes au regard de celles attribuées aux secteurs « assistance » et « sécurité ». En effet, sur l’ensemble des dépenses publiques consacrées aux assuétudes, tout confondu, seulement 1,2% vont à la prévention et 0,4 % à la réduction des risques contre 68,7% pour l’assistance et 29,6% pour la sécurité2 ! Le budget consacré à la prévention a même reculé de 7 % entre 2004 et 2012 alors que celui consacré à la sécurité a augmenté de plus de 30% ; pourtant toutes les études montrent que la prévention et la réduction des risques sont à renforcer et que les politiques répressives sont partiellement en échec.

Il est donc temps de rétablir un juste équilibre pour donner une place plus importante qu’elle ne l’est actuellement aux actions éducatives et de promotion de la santé, investissement utile et efficace puisqu’il permet, in fine, d’agir réellement sur les comportements à risque pour l’individu et pour la société.

Agir en amont est dans l’intérêt de tous, tant des populations que des pouvoirs publics, en permettant de limiter les dommages liés aux consommations problématiques, dont les coûts sont très conséquents (1€ investi en prévention permettrait de gagner 4€ sur la sécurité sociale à moyen terme, la prévention serait donc le placement le plus rentable pour l’Etat).


Dépénaliser l’apprentissage parental

Aujourd’hui, la loi pénalise toute personne qui sert de l’alcool à un jeune de moins de 16 ans et concerne ainsi, de facto, les parents. Le Groupe porteur souhaite dépénaliser l’apprentissage parental et permettre ainsi aux parents d’assurer un rôle éducatif en matière de consommation d’alcool, levier d’apprentissage à une consommation cadrée, généralement progressive, socialement adaptée, plus responsable et moins risquée.

Conscients que tous les modèles parentaux ne sont pas idéaux, nous estimons cependant que les adultes doivent pouvoir accompagner le jeune et en parler avec lui lorsqu’il commence à témoigner de l’intérêt pour le produit. Ceci afin de l’éduquer au « bien boire », aux plaisirs qualitatifs (et non quantitatifs) mais aussi aux risques qui y sont liés, le dialogue étant la clé de tout travail en prévention et constituant déjà un pas éducatif.

Nous souhaitons qu’à la loi actuelle « Il est interdit de vendre, de servir ou d’offrir… » soit ajoutée la mention « à titre commercial ou promotionnel » afin de pallier à ce travers.


Créer un Conseil fédéral de la publicité

Au quotidien, la publicité nous manipule et limite notre liberté de faire un choix éclairé en matière de consommations. Ses dérives sont nombreuses et le marché publicitaire est en pleine mutation depuis quelques années, comme en témoignent le développement de nouveaux produits et des techniques publicitaires toujours plus agressives et plus ciblées. Le secteur de l’alcool en est un illustre exemple. Mais les dérives s’observent également en matière d’alimentation, de développement durable, d’égalité des sexes ou encore de greenwashing. C’est donc l’ensemble de la publicité qui doit être mieux contrôlée.

Dès lors , outre les questions liées à la publicité pour l’alcool, la solution proposée serait de légiférer en matière de pratiques commerciales et de réguler l’ensemble de la publicité à travers un Conseil fédéral de la publicité, organe public à créer, indépendant, au pouvoir réellement contraignant et aux missions d’observation élargies.

Seul un contrôle public de la publicité permet de garantir au citoyen un niveau de protection élevé et effectif, synonyme d’une publicité éthique et responsable. Le secteur privé ne pourra jamais se substituer au secteur public dans la défense de l’intérêt général.


Rendre l’eau gratuite dans l’Horeca

Les risques encourus par le consommateur sont exacerbés par la déshydratation que l’alcool provoque. Nous devons donc faciliter l’accès à l’eau afin de généraliser le fait d’alterner boisson alcoolisée et boisson « soft » chez les consommateurs d’alcool. Rendre l’accès gratuit à l’eau dans les restaurants, cafés et bars, serait donc une politique publique utile et nécessaire, rendant prioritaire la santé de tous plutôt que l’intérêt économique d’une minorité. Favoriser un environnement responsable tout en laissant le choix des produits consommés, c’est laisser le libre arbitre à chacun et lui permettre d’avoir des alternatives propices à sa santé.

Comme c’est déjà le cas en France, en Grèce, en Suède ou encore au Royaume Uni, le Groupe souhaite donc que l’eau de distribution soit accessible gratuitement dans l’Horeca.


Obliger l’étiquetage nutritionnel sur les boissons alcoolisées

Le consommateur devrait avoir, en toutes circonstances, le droit d’être informé sur ce qu’il consomme. L’UE impose d’ailleurs cela sur tous les produits alimentaires – à tout le moins concernant les apports nutritionnels et la composition du produit. Tous, sauf un : les boissons alcoolisées ! Une consommation d’alcool, comme tout comportement de santé d’ailleurs, devrait pouvoir se faire sur la base d’un choix éclairé.

C’est pourquoi nous demandons qu’il n’y ait plus d’exception à la règle et que tous les produits alcoolisés soient étiquetés comme les autres produits alimentaires.

A ces informations nutritionnelles pourrait être ajouté le nombre d’unités standards d’alcool que contient le flacon, cela faciliterait l’auto-évaluation de sa consommation (pour rappel : une unité standard d’alcool contient 10gr d’éthanol et sert de référence dans toute la littérature internationale).


Découpler la publicité alcool des espaces de campagnes de prévention sur les médias publics

Un décret sur les services de médias audiovisuels en Fédération Wallonie-Bruxelles prévoit l’octroi d’espaces gratuits pour des campagnes d’éducation pour la santé au prorata des espaces publicitaires pour des boissons alcoolisées.

Il est impératif de rompre le lien paradoxal et insensé entre le volume de publicités pour l’alcool diffusé dans les médias belges et les espaces dédiés aux campagnes de prévention dans ces mêmes médias. Le législateur doit fournir des espaces garantis et indépendants tout en renforçant le budget octroyé à la prévention. Dès lors, nous proposons que soit mis en place un quota annuel fixe d’espaces gratuits pour les campagnes de prévention, basé sur la moyenne des espaces qui ont été octroyés pour celles-ci lors des cinq dernières an- nées sur chaque chaîne (budgets de réalisation non compris).


Modifier le slogan actuel sur les publicités pour les produits alcoolisés

Aujourd’hui, le Jury d’Ethique Publicitaire « oblige » (sans réel pouvoir contraignant puisque le JEP est un organe privé) la mention « Notre savoir-faire se déguste avec sagesse » sur toute publicité alcool. Mais celle-ci apparaît plutôt un slogan publicitaire qu’un avertissement sanitaire.

Dès lors, pour sortir de cette hypocrisie et tant que la publicité est autorisée (cf. proposition 1), le Groupe propose de remplacer la citation actuelle par une mention plus objective et informative pour que le consommateur puisse faire des choix éclairés, comme c’est le cas par exemple en France, avec la mention obligatoire : « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé ».

Vous pouvez également vous procurer notre argumentaire via le bouton de téléchargement suivant :