Hors-jeu pour l’éthique d’AB Inbev !
Le 20 février, AB Inbev a donné son coup d’envoi : durant 5 mois, la marque « Belgium » remplacera « Jupiler » pour soutenir les Diables à la coupe du monde, histoire de rallier les supporters à la même cause.
“On a voulu faire encore plus que ça. Quand on endosse le rôle de supporter, qu’on soit star, business man ou simple quidam, on porte les couleurs de la Belgique et on perd quelque peu son identité. C’est ce qu’on a voulu traduire. Notre slogan est We Are Belgium et nous allons le montrer. Jupiler perd donc aussi son identité l’espace de 5 mois pour s’appeler Belgium.” indique le brasseur lors de sa conférence de presse du 20 février sur la Grand Place de Bruxelles. Chacun devrait donc perdre son identité pour adopter celle du pays, au profit des actionnaires de la marque.
L’entreprise ne s’en cache d’ailleurs pas : « En tant que marque belge, nous voulons prendre le leadership. C’est un challenge pour toute la nation. À travers le nom Belgium, nous pouvons aussi réaffirmer cette identité belge ».
Voilà un objectif bien ambitieux, et surtout prétentieux, de vouloir s’approprier tous les supporters du pays, voire la nation entière, en cherchant à affirmer une identité nationale par leur mythique produit. Belle humilité !
En créant le buzz, AB Inbev a réussi son coup : focaliser toute l’attention sur la marque, tous les médias ont couvert l’info. Et ce n’est pas nouveau, depuis longtemps, le sponsoring « Jupiler » a réussi à ancrer dans les mœurs un duo inséparable : bière et foot. Pourquoi ai-je envie d’une bière en regardant un match de foot et pas un match de tennis ? Associer sport et alcool est totalement aberrant mais d’une efficacité redoutable. Même notre championnat porte le nom de la marque !
Et ce n’est pas en le remplaçant par « Belgium » (qui, entre parenthèses, nous appartient un peu à tous, non ?) que la pratique est plus acceptable ! C’est même une façon de renforcer davantage l’ancrage culturel de la consommation d’alcool, en particulier de bières, sous nos latitudes.
Rappelons aussi, en passant, qu’une convention privée établit qu’une publicité ne peut associer sport et alcool… Mais bien sûr, AB Inbev se justifiera en précisant (si nous n’avions pas compris leur philosophie) que c’est la bière des supporters et non celle des joueurs.
Les clubs de foot rassemblent aujourd’hui plus de 425.000 membres dans le pays, dont la moitié sont mineurs, et c’est sans compter les supporters. L’image du foot et de ses stars a donc un impact colossal. Trouve-t-on normal que celle-ci soit empreinte d’une teinte alcoolisée ? Et ne doit-on pas s’indigner de la présence du staff de l’Union belge de football assis au premier rang de la conférence de presse ?
Si l’alcool fait partie de notre culture et que boire un verre n’a jamais tué personne, il ne faut pas oublier les effets importants qu’il peut engendrer sur la santé. Outre ces risques, l’alcool coûte à la société bien plus qu’il ne lui rapporte. Alors, trouve-t-on cohérent de faire la promotion d’un produit dont les conséquences sur le bien-être individuel et collectif sont inéluctables ?
Se pose également la question du choix et de la liberté individuelle. Déjà victimes d’une société de consommation qui nous matraque au quotidien de nouveaux produits et de publicités qui en vantent les mérites, nous voilà à nouveau pris au piège par une campagne qui veut nous faire adhérer à un produit et nous imposer son identité. Si l’alcool désinhibe, il décomplexe aussi totalement AB Inbev !