Des acteurs de la santé, de l’éducation et de la jeunesse ont déjà la gueule de bois !

En cette fin du mois de mars 2023, la Belgique tente, pour une troisième fois, de se doter d’un « Plan interfédéral alcool », mais certains décideurs ne semblent visiblement toujours pas prêts à un ré-équilibrage entre intérêts économiques et santé publique…Pourtant, l’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable juste derrière le tabac, et engendre un coût social et sanitaire pour l’État estimé à 4,2 milliards d’euros par an ! Il est donc grand temps de prendre des mesures qui protègent non pas les intérêts privés de certains mais les intérêts publics d’une population tout entière. Or le « Plan alcool 2023-2028 » est sur le point d’accoucher, encore une fois, d’une souris.

« Démocratie, transparence et santé publique », une saga nouvellement ratée pour nos responsables politiques

Petit rétroacte : en 2013 et 2016, il y a eu une volonté d’établir un « Plan alcool » à l’échelle nationale, ce qui n’est pas négligeable, puisqu’en Belgique les compétences « santé » sont à ce point éclatées qu’elles concernent 9 ministres. Un sacré cocktail ! Mais aucune de ces deux tentatives n’a abouti, certains responsables politiques, familles libérale et nationaliste flamande en tête, s’opposant à des mesures efficaces, validées par des experts, pour limiter les surconsommations d’alcool.

Printemps 2022, le gouvernement sollicite à nouveau l’avis d’experts pour se pencher sur un « Plan alcool » ambitieux, mais nécessaire quand on sait que près de 14% des Belges présentent une consommation problématique d’alcool, que 7% en sont dépendants, et que près de 9.300 Belges mourront de leur consommation chaque année ! Avec une consommation moyenne quasi deux fois supérieure aux recommandations, la Belgique se classe parmi les mauvais élèves en la matière.

Aujourd’hui, encore, les alcooliers semblent tirer les ficelles…

Force est de constater qu’il reste bien difficile pour certains de nos responsables politiques de valider un plan à la hauteur des enjeux de santé publique.

Par exemples, offrir l’eau du robinet dans les bars et restos ou encore limiter la vente d’alcool dans des contextes inappropriés (par ex : autoroutes, commerces non-alimentaire, lieux où les jeunes se réunissent, etc.) sont des mesures difficiles à digérer pour certains… En effet, la famille libérale semble être à nouveau aux avant-postes des partis voulant privilégier la liberté totale de commerce en limitant autant que possible l’adoption de mesures efficaces dans ce Plan !

Comme une ultime bouteille à la mer, nous voulons rappeler des mesures phares revendiquées avec insistance par les acteurs de la santé publique, de la jeunesse et de l’éducation non formelle, et qui semblent passer à la trappe à ce stade, comme par exemples :

 1. Le droit de savoir ce que nous consommons grâce aux unités standards d’alcool et aux valeurs nutritives à indiquer sur les bouteilles et canettes.

Selon nous, le consommateur devrait avoir, en toutes circonstances, le droit d’être informé sur ce qu’il consomme. L’UE impose d’ailleurs cela sur tous les produits alimentaires – à tout le moins concernant les apports nutritionnels et la composition du produit. Tous, sauf un : les boissons alcoolisées ! Une consommation d’alcool, comme tout comportement de santé d’ailleurs, devrait pouvoir se faire sur la base d’un choix éclairé. C’est pourquoi nous demandons qu’il n’y ait plus d’exception à la règle et que tous les produits alcoolisés soient étiquetés comme les autres produits alimentaires. L’Union européenne va d’ailleurs progressivement dans ce sens ! La Belgique ne doit pas louper le coche, elle peut agir comme aiguillon sur ce sujet, comme l’Irlande le fait déjà actuellement : https://feditobxl.be/

Nous proposons ici un visuel concret pour informer sur les unités d’alcool (indispensable vu la diversité des produits existants).

Sachant que toutes les parties prenantes sont d’accord pour promouvoir une consommation raisonnable d’alcool (telle que définie par le Conseil Supérieur de la Santé comme «10 verres standards par semaine maximum, à répartir sur plusieurs jours»), donnons dès lors la capacité à chacun·e d’entre nous de faire le calcul !

2. Eau gratuite dans l’Horeca et milieux festifs :

LA mesure la plus efficace en termes de réduction des risques immédiats liés à l’alcool ! Elle doit faire partie du Plan. La mesure est très largement plébiscitée par les citoyens, et les pratiques de nos pays voisins montrent que les acteurs de ces secteurs s’en sortent bien économiquement parlant. C’était d’ailleurs inscrit dans l’accord de gouvernement wallon, mais ils ont enterré officiellement cette mesure dernièrement…

3. Agir plus concrètement sur l’accessibilité incongrue de l’alcool :

Aujourd’hui, on peut se procurer de l’alcool à peu près n’importe où et à n’importe quelle heure. L’État a une responsabilité quant à l’incitation à consommer et se doit de lever certains paradoxes, à commencer par le lien absurde entre boire et conduire. Interdire la vente d’alcool à emporter dans les stations-service le long des voies rapides (peu importe l’horaire) ferait donc sens.

4. Établir un registre de transparence :

Mettant en évidence les contacts avec les groupes d’influence de tous bords et les éventuels conflits d’intérêts des parties prenantes de nos décideurs. À l’heure où nos responsables politiques clament haut et fort vouloir réenchanter la démocratie et laver plus blanc que blanc dans les différentes affaires qui ont défrayé encore la chronique à différents niveaux de pouvoirs, ce registre apparait comme le minimum syndical en termes de transparence, or toutes les entités fédérées n’y sont pas favorables.

Peut-on accepter que celles et ceux qui décident de notre santé aient plusieurs casquettes, dont certaines en lien direct avec un secteur qui la met à mal ?

Nous ne sommes pas contre l’alcool, mais contre tout ce qui pousse à sa surconsommation !

Les acteurs de la santé, de l’éducation et de la jeunesse que nous sommes sont souvent taxés d’hygiénisme ou de moralisme dès que nous abordons les questions de consommation de psychotropes, et encore plus quand on parle de l’alcool, notre drogue culturelle par excellence. Or, ce n’est pas tant le produit qui pose problème, mais l’ensemble des mesures adoptées (ou non) par l’État et qui permet aux alcooliers de faire à peu près tout ce qu’ils veulent pour nous faire consommer toujours plus, et le plus tôt possible. Gérer sa consommation n’est pas qu’une affaire de responsabilité individuelle, l’État doit prendre également sa part pour éviter les dérives d’un système hyper-consumériste en contradiction avec la santé publique.

(D’autres mesures concrètes ont été mises sur la table par les experts, elles sont détaillées ici : Nos revendications)

L’alcool coute 3 fois plus cher à l’état qu’il n’en rapporte

4,2 milliards d’euros, c’est le prix à payer chaque année pour une gestion inefficace de la problématique de la surconsommation d’alcool dans notre pays. Avec un âge moyen de début de consommation d’alcool qui diminue toujours plus et une consommation problématique d’alcool qui touche près d’un Belge sur 7, l’espoir était entier pour que cette 3ème tentative aboutisse à un Plan réellement utile et efficace. Mais apparemment, les beaux discours politiques sur la santé publique entendus ces dernières années sont vains, et les preuves scientifiques n’ont pas suffi à nos décideurs pour poser les choix indispensables à la santé de toutes et tous.

Au quasi terme des négociations politiques, malgré nos sonnettes d’alarme, seules quelques mesurettes persistent dans cette dernière version du Plan alcool. Trinquons donc au succès des lobbys de l’alcool puisque nos arguments, eux, semblent presque tous tombés « à l’eau ».

Les signataires :

  • Citadelle asbl
  • Les Fédito’s wallonne et bruxelloise
  • Infor Drogues
  • Latitude Jeunes
  • Prof. Pierre Maurage
  • Modus Vivendi
  • Ocarina
  • Dr Thomas Orban
  • Le Pélican
  •  Prospective Jeunesse
  • Question santé asbl
  • Le R.A.P.I.D.
  • Les Scouts
  • Univers santé asbl